Thibaut RIGAUDEAU

Bonjour Thibaut, est-ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Thibaut Rigaudeau, j’ai 33 ans, je suis para triathlète (malvoyant), membre de l’équipe de France de para triathlon depuis 2019, et je prépare les jeux paralympiques de Paris en 2024 !


Comment t’es-tu intéressé au para triathlon et comment as-tu commencé ce sport ?

Je me suis intéressé à ce sport en 2018, en regardant la chaîne « l’Equipe », et en voyant Pierre Le Corre, un vendéen comme moi, qui faisait partie des meilleurs triathlètes internationaux. Il m’a inspiré, et m’a donné envie de commencer ce nouveau sport. J’ai ensuite été convié par mon frère pour participer à un aquathlon sprint (un enchaînement de natation et de course à pied) à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, et à l’issue de cet aquathlon j’ai rencontré un chargé de développement de la fédération française de triathlon qui m’a informé qu’une détection de paratriathlon avait lieu fin 2018. Je me suis donc inscrit dans un club de triathlon en septembre 2018, et à la détection en décembre 2018, je me suis dit que je voudrais participer aux jeux paralympiques de Paris en 2024, et je me suis lancé à fond dans ce sport.


Quels sont les aspects les plus exigeants du paratriathlon par rapport au triathlon ?

En paratriathlon, pour ma catégorie qui est PTVI (Para Triathlon Visual Impairement), c’est le fait qu’on soit tout le temps relié à un guide :

En plus d’un triathlon classique, tout doit se faire à deux donc on doit être coordonnés du début à la fin. 

En natation on est liés par un lien entre nos deux membres inférieurs, en vélo c’est en tandem, et en course à pied, on a un lien qui nous unit à la taille (ou au poignet en fonction de la taille de chacun) : ce sont deux porte dossards avec une petite ficelle entre nous deux, et le guide a le rôle important de nous donner les informations pour nous diriger, donc c’est d’autant plus difficile qu’un triathlon valide parce qu’on doit se soucier l’un de l’autre, à chaque étape du triathlon.

 


Quelles sont les autres spécificités de ta catégorie PTVI ?

Ma catégorie en para triathlon regroupe les non-voyants dits B1 (Blind 1) et les malvoyants dits B2, B3.

Les B1 partent 2 minutes 41 avant les B2, B3, et le but pour les B2, B3 est de rattraper les B1 partis en avance. Le premier (toute catégorie confondue) qui passe la ligne a gagné la course.

 

Peux-tu nous parler de ta relation avec ton guide ?

Depuis 2019, mon guide est Cyril Vienot. Il a été champion du monde d’Iron Man en 2015, et jusqu’à l’année dernière, meilleur performer français sur le mythique Iron Man d’Hawaï (il a fini 5e) ; donc un excellent triathlète longue distance. Depuis 2019, il se consacre aussi en parallèle de sa carrière pro valide à être mon guide : 

On se retrouve en moyenne une semaine à 10 jours par mois pour s’entraîner et partager de bons moments, qu’ils soient sportifs ou familiaux. On a créé une vraie relation amicale.

Après les Jeux Paralympiques de Tokyo, Cyril se posait la question d’arrêter son rôle de guide et sa carrière professionnelle, mais la petite frustration d’avoir fini 4e l’a motivé à faire 3 ans de plus avec moi et à m’accompagner jusqu’aux jeux de Paris en 2024. Je lui en suis extrêmement reconnaissant.


On imagine que votre relation est vraiment basée sur la confiance ?

Effectivement, notre relation est à 100% basée sur la confiance, dans tout : que ce soit pendant la course, ou en amont dans l’élaboration de la stratégie de course, et au quotidien !

Par exemple, pour l’épreuve de natation : quand on sait que des nageurs sont plus forts que nous, le but est de se mettre dans leurs pieds : sachant que je ne vois pas du tout où ils sont, je me focalise sur la mousse qu’il y a devant moi, et Cyril essaye de créer une trajectoire pour que je puisse suivre les pieds des autres athlètes. A chaque virage, nous avons des codes qui me permettent de savoir à quel degré je dois tourner pour aller prendre la prochaine bouée. 

En transition, nous avons une stratégie en place pour savoir où sont nos affaires dans le parc pour qu’il puisse me positionner parfaitement devant mon casque ou devant mes chaussures de course à pied pour que je puisse être efficace dans ma transition. Toute cette confiance et efficacité, on l’a acquise au fur et à mesure des années.

Au niveau des épreuves, pour moi, la relation de confiance est surtout instaurée sur le vélo parce qu’on roule entre 40 et 50km/heure de moyenne en fonction des parcours. Je connais les degrés des virages, mais à chaque virage, on doit repartir « en danseuse » (à deux) donc il me prévient et on relance à fond ensemble. J’ai surtout travaillé cette confiance dans les descentes de cols, où on roule parfois à 90km/heure, et comme je ne vois pas ce qu’il y a devant, c’est lui qui gère tout, et c’est lui qui me donne les indications : je dois me reposer sur lui. Au début, c’est très compliqué de le faire, mais maintenant c’est devenu vraiment naturel, on ne se dit quasiment plus rien et on roule, donc je conclurais en disant que cette relation de confiance est indispensable pour aller le plus loin possible.


Comment se déroule ton entraînement en vue des Jeux ?

Mon entraînement hebdomadaire est entre 20 et 25 heures d’entraînement. Quand je suis en stage, soit avec la fédération, soit avec Cyril, il faut compter une trentaine d’heures d’entraînement par semaine, donc 7 jours sur 7 d’entraînement avec 2 à 3 sports par jour et des journées qui varient entre 2h30 et 5h d’entraînement.

 

Un rythme d’entraînement très rigoureux donc ?

Oui, on doit faire preuve, en général, de rigueur au quotidien.

Que ce soit dans nos entraînements, dans l’intensité qu’on y met, dans notre alimentation, et dans notre temps de récupération… ça impacte forcément ma vie sociale ; mais je ne perds pas des yeux l’objectif des jeux de paris en 2024, et c’est le plus important !


Qu’est-ce qui te motive à continuer à t’améliorer au quotidien ?

Ce qui me motive à m’améliorer dans la pratique du para triathlon, c’est le challenge : en termes de performance, voir les chronos en natation, en vélo, en course à pied s’améliorer jour après jour, c’est jouissif, surtout avec l’objectif d’une médaille à Paris ! Et puis d’un point de vue émotionnel, quand on réalise des courses sensationnelles, on a une montée d’adrénaline et un bien-être que je ne retrouve que dans le sport.


Comment faire pour être qualifié pour les jeux ?

La période de qualification pour les jeux paralympiques a commencé en juillet 2023 et se terminera fin juin 2024, les 3 meilleurs résultats de chaque athlète sur cette période seront retenus, et il faudra donc faire partie des 9 meilleurs mondiaux pour ouvrir un quota pour la France.



Comment gères-tu le stress lié à la compétition ?

Ce qui est plus facile, c’est d’être en binôme avec Cyril ; on peut le gérer l’un avec l’autre et l’un pour l’autre. On fait aussi de la préparation mentale aux compétitions ensemble, pour aborder la compétition, connaître nos stratégies etc. Pour ma part, le stress pré-compétition arrive surtout 24h avant la course, c’est souvent à ce moment là que j’ai besoin de lui et je pense qu’il a également de moi, donc le stress est assez bien géré ensemble. Au départ, c’est un bon stress qui monte, et puis quand le coup de pétard est donné, il n’y a plus de stress et ce n’est que de l’adrénaline !


Quel est ton moment préféré dans ta carrière ?

Je dirai les championnats d’Europe, après les jeux paralympiques de Tokyo qui ont été une désillusion où on a fini 4e avec une course à pied sous la chaleur tokyoïte vraiment compliquée pour moi. Un mois et demi après, aux championnats d’Europe, j’ai réalisé la meilleure course de la saison et on a fini vice-champions d’Europe. C’était la première fois avec Cyril, et il y a eu une émotion folle à l’arrivée, qui m’a fait comprendre que j’étais capable d’être très proche des meilleurs, et j’ai ressenti une joie incommensurable à ce moment-là.


Le meilleur conseil que tu aies reçu ?

Aies confiance en toi, crois en toi, et tu iras très loin !

 

Quels conseils donnerais-tu à des débutants qui souhaitent se lancer dans ce sport ?

D’abord, être assidu à l’entraînement pour pouvoir effectuer un triathlon : cela ne sert à rien de faire une grosse séance une fois dans la semaine, il vaut mieux répartir ses entraînements, en faire des plus courts, pas forcément très intenses, mais être régulier. Ensuite, au fur et à mesure des entraînements, augmenter l’intensité pour se préparer à des triathlons plus ou moins longs en fonction des envies de chacun.


Un mot pour décrire ta préparation en vue des Jeux ?

Extraordinaire ! On va avoir la chance d’avoir les jeux dans notre pays, et on espère tous y participer et se qualifier donc c’est déjà extraordinaire !