Système de santé, production de médicaments et comptes sociaux : les défis d’un système à réinventer

Le PLFSS 2025 vise à réduire le déficit de la Sécurité sociale, estimé à 18 milliards d'euros en 2024. Les récentes annonces de la ministre de la Santé sur la réduction des remboursements alimentent les débats.
 

Regard sur l'actualité

Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 est en cours d’examen par le Sénat, les défis liés à l’équilibre des comptes sociaux occupent une place centrale. Le PLFSS 2025 s’attaque en effet aux enjeux financiers majeurs de la Sécurité sociale, avec un objectif clair : réduire le déficit estimé à 18 milliards d'euros en 2024, à court terme en 2025 et les années suivantes.

Les dernières annonces de la ministre de la santé Geneviève Darrieusecq, concernant une diminution à hauteur de 5 points en 2025 de la prise en charge du remboursement des médicaments et des consultations médicales par la sécurité sociale, viennent alimenter les débats autour des grandes orientations 2025.

Découvrez notre éclairage d’expert BDO sur les défis d’un retour à l’équilibre des comptes sociaux pour assurer la pérennité du système de santé français.

 

En chiffres

-25%

C’est la part que les médicaments ont perdu depuis 2010 dans les dépenses de l'assurance maladie en termes de prix industriel. Une diminution qui montre que les médicaments contribuent de moins en moins aux dépenses globales de l'assurance maladie, et ont donc un impact limité sur le déficit de l'assurance maladie.

Source : calculs BDO du chiffre d’affaires hors taxes des médicaments, net de remises et clause de sauvegarde, remboursé par les régimes de base, sur données de l’Assurance Maladie, du Comité économique des produits de santé, du GERS et de la commission des comptes de la sécurité sociale.

 

L'œil de l'expert

Comptes de la sécurité sociale : pourquoi est-on dans le rouge ?

Depuis 2010, les comptes de la Sécurité sociale ont connu de fortes fluctuations. Deux périodes se distinguent :

  • De 2010 à 2019 : Le déficit du régime général est passé de 28 milliards d'euros à presque l'équilibre, à -1,8 milliard en 2019, essentiellement grâce à des prélèvements supplémentaires.
  • Depuis la crise COVID-19 : Le déficit a fortement augmenté, atteignant près de 40 milliards d'euros en 2020, en raison des dépenses urgentes liées à la pandémie. Bien que la crise soit derrière nous, le déficit reste élevé, à 11 milliards en 2023, et devrait encore se creuser en 2024 (18 milliards d’euros).

Les facteurs aggravants du déficit :

  • Une augmentation des dépenses pérennes, notamment dans le secteur hospitalier, avec des coûts liés au Ségur de la santé qui représentent plus de 8 milliards d'euros par an.
  • Un déficit de la branche vieillesse, qui persiste et s’accroît même, malgré la réforme des retraites de 2023.
  • Une hausse des indemnités journalières (IJ), en raison du recul de l’âge de départ à la retraite et de l'augmentation des pathologies à âge égal. Des mesures pour réduire ces coûts sont attendues dès 2025, comme le plafonnement des IJ à 1,4 SMIC (contre 1,8 actuellement).

Face à cette situation de déficit qui se pérennise, des initiatives de prévention, notamment contre la malnutrition et les modes de vie sédentaires, pourraient contribuer à maîtriser les dépenses à long terme.

 

Quels sont les avantages socio-économiques de produire des médicaments en France ?

Sur le plan sociétal, produire localement assure un meilleur accès aux soins en garantissant une disponibilité plus constante des médicaments, en évitant les tensions d'approvisionnement qui peuvent survenir lorsque la France est considérée par les fabricants comme un marché secondaire de par sa taille.

Sur le plan social, cela génère de l'emploi, tant direct (dans le secteur pharmaceutique) qu'indirect et induits, via la chaîne de production. Par exemple, une de nos études BDO réalisée pour le G5 Santé a montré que pour plus de 40 000 emplois créés dans les entreprises du G5 Santé en 2022, ce sont au total 120 000 emplois qui sont générés en France.

En termes économiques, elle a un impact positif sur la balance commerciale permettant d’éviter un déficit commercial. En 2023, la balance commerciale des médicaments était de +400 millions d'euros, ce qui est très faible à l’échelle du marché du médicament. Or les entreprises du G5 santé ont contribué à hauteur de +5,3 milliards d'euros en 2022, sans quoi la balance commerciale serait nettement négative.

Sur le plan fiscal : Les médicaments produits en France génèrent d'importantes recettes fiscales. 4,8 milliards d'euros de recettes ont été rapportées par le G5 Santé en 2022, qui compensent les dépenses de l'assurance maladie sur les remboursements de médicaments (estimés à 4,2 milliards d’euros en 2022). Si la production était délocalisée, la France perdrait ces recettes tout en devant continuer à financer ces mêmes médicaments, mais qui seraient importés.

 

Pourquoi les tarifs des complémentaires santé augmentent rapidement ces dernières années ?

Les complémentaires santé doivent s'adapter à l'augmentation des coûts des soins car, contrairement aux comptes sociaux, les assurances privées ne peuvent pas être déficitaires. L'inflation médicale et la hausse de la consommation des soins, notamment due aux déficits des comptes sociaux, entraînent des transferts de charges vers ces assurances. Par exemple, l'augmentation de la part du ticket modérateur pour les soins dentaires, les soins médicaux et les médicaments représente environ un milliard et demi d'euros de transferts, qui expliquent déjà à terme, une augmentation de 5% des tarifs des complémentaires.

En plus des transferts de charge, les conventions médicales, telles que celles des médecins et des dentistes, ont également un impact significatif sur les tarifs des complémentaires santé.

Enfin, l'inflation médicale tendancielle liée à une population vieillissante et à l'augmentation des maladies chroniques accentue cette hausse des tarifs.

Ces facteurs mécaniques, combinés aux transferts de charge et aux conventions des professionnels de santé, expliquent l'augmentation rapide des tarifs des complémentaires santé ces dernières années.

 

Sources : PLFSS / LFSS (projet de loi / loi de financement de la sécurité sociale), CCSS (Commission des comptes de la sécurité sociale), UNOCAM (Union Nationale des Complémentaires Santé
 



Entretien avec  :
Jacques Marquay
Directeur, BDO Advisory