La reconnaissance du préjudice d'anxiété

Le lien avec l’amiante :

Le préjudice d’anxiété est né dans un premier temps dans le cadre de l’indemnisation des salariés ayant été exposés à l’amiante.

Nombreux sont les salariés exposés à l’amiante qui souffrent aujourd’hui de maladies graves, voire mortelles.

Les maladies professionnelles liées à l’amiante ont été instaurées dans les tableaux de maladies professionnelles n°30 et n°30 bis. 

Parallèlement, de nombreux dispositifs d’indemnisation ont été mis en place par le biais :

  • du fond d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) établissement public national à caractère administratif qui indemnise les victimes de l’amiante
  • de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), mise en place par la loi du 23 Décembre 1998.

L’indemnisation étant limitée, les bénéficiaires de ce dispositif ont donc cherché à obtenir un complément en mettant en cause la responsabilité contractuelle de leur employeur devant le Conseil de Prud’hommes. Cette action est intentée pour engager la responsabilité contractuelle de l’employeur fautif – selon les salariés – de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité.

 

La reconnaissance jurisprudentielle :

La Cour de cassation a reconnu l’existence du préjudice d’anxiété en le définissant comme suit :

« (…) les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y était fabriqués ou traités l’amiante, se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse »

Les salariés en question étaient conscients d’avoir travaillé dans une entreprise pendant une période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante.

Ils étaient conduits à subir des examens réguliers, nécessairement source d’angoisse de contracter une maladie mortelle.

Dans une logique d’indemnisation globale des salariés, il devenait nécessaire d’indemniser ce préjudice.

 

La compétence du Conseil de Prud’hommes :

L’action est fondée sur l’inexécution par l’employeur de son obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés.

Cette obligation de sécurité découle du contrat de travail.

C’est donc le Conseil de Prud’hommes qui demeure compétent et non le Tribunal des affaires de sécurité sociale devenu Pôle social du Tribunal Judiciaire.

 

Une reconnaissance très limitée puis étendue :

La reconnaissance de ce préjudice était à l’origine limitée, pour les salariés inscrits sur la liste ministérielle des entreprises éligibles à l’ACAATA.

Etaient exclus les salariés ayant travaillé au sein d’un établissement classé ACAATA dans le cadre d’une opération de sous-traitance.

Ainsi, pour un salarié ayant travaillé au sein d’une entreprise visée par la liste ministérielle, l’indemnisation du préjudice d’anxiété échappe au droit commun de la responsabilité et se trouve facilité. Cependant, cette situation était source d’inégalité entre les travailleurs exposés à l’amiante.

Comment justifier l’exclusion de certains salariés dont l’exposition à l’amiante ne fait l’objet d’aucun doute ?

Par exemple s’agissant des salariés ayant travaillé dans les mêmes conditions mais pour une entreprise sous-traitante.

Cette situation ne pouvait donc raisonnablement perdurer.

C’est par un revirement important que l’assemblée plénière de la Cour de cassation a procédé à une première extension du préjudice d’anxiété, le 5 avril 2019 afin de l’étendre à tous les salariés exposés à l’amiante.

Puis par une série d’arrêt du 11 septembre 2019, la Cour de cassation a ensuite étendu le préjudice d’anxiété aux « substances nocives ou toxiques ».