Le prélèvement à la source : se préparer sans attendre

Le prélèvement à la source : se préparer sans attendre

Voulue par le président de la République François Hollande, puis reportée d’un an par son successeur, Emmanuel Macron, la réforme du prélèvement à la source (PAS) s’appliquera le 1er janvier 2019. Une réforme dont les employeurs, dans leur immense majorité, se seraient bien passés. Et pour cause, sa mise en œuvre les obligera à récolter, pour le compte de l’État, l’impôt sur le revenu de leurs salariés. Une mission délicate et ingrate qui risque, si elle n’est pas préparée en amont, de compliquer leurs rapports avec l’administration fiscale mais aussi et surtout avec leurs propres employés. Une bonne raison pour identifier dès maintenant les différents chantiers à entreprendre pour mener à bien cette transition avec l’aide de Philippe Benech, directeur du métier de l’expertise sociale et RH de BDO.

 

Changer les référentiels

Si vous avez plus de 30 ans, vous n’avez pas oublié le défunt franc, le passage à l’euro et la détestable sensation de vous être fait avoir qui a suivi ce changement de monnaie à chaque fois que vous réalisiez un achat. Les commerçants auraient-ils profité de la situation ? Et bien non, les études de l’Insee sont formelles. Le problème n’est pas venu d’arrondis opportunistes mais d’une simple perte de repères. Le changement de référentiels qu’occasionnera le passage du net disponible avant impôt sur le revenu à un net disponible après impôt risque de causer le même type de sensation. Vous l’aurez compris, même si, sur le fond, la rémunération qui sera versée à chaque salarié ne sera pas modifiée par la mise en place du prélèvement à la source, rien ne dit que la baisse brutale du revenu net versé sur la feuille de paie de janvier 2019 ne générera pas une certaine incompréhension. C’est pourquoi nous invitons nos clients, dès que les taux d’imposition de leurs salariés leur seront communiqués par l’administration, c’est-à-dire via la DSN de septembre, à éditer des bulletins de paie informatifs intégrant le PAS. Ainsi, les salariés commenceront à être sensibilisés à ce changement avant qu’il ne s’opère vraiment. Cette démarche de préfiguration est conseillée par l’administration.

 

La question du taux

La communication du taux du PAS, dans la mesure où ce dernier traduit la situation financière du salarié (et de son couple) au-delà de sa simple rémunération, peut également être à l’origine de tensions. C’est une information confidentielle et privilégiée qui peut avoir des incidences sur la relation employeur/salarié. Grâce au taux du PAS, l’employeur peut, par exemple, savoir si son salarié est dans une situation financière favorable ou défavorable et ainsi utiliser cette information à des fins de négociation, ce qui peut inquiéter les salariés. Là encore, l’entreprise a tout intérêt à anticiper la situation en informant dès maintenant ses salariés, notamment sur le fait qu’ils ont la possibilité de demander à l’administration fiscale de communiquer à leur employeur un taux de PAS non personnalisé (taux neutre) qui ne traduit que leur niveau de salaire. La législation du PAS prévoit également la possibilité d’opter pour un taux individualisé destiné à prendre en compte les disparités de revenus qui pourraient exister au sein d’un couple. C’est au salarié et non à l’employeur qu’il revient d’effectuer la demande d’application d’un taux individualisé ou d’un taux neutre à l’administration fiscale. L’employeur n’est que le collecteur de l’impôt. Il n’a pas vocation à devenir l’interlocuteur fiscal de ses salariés. Il est important de bien communiquer sur ce point, sans quoi les services RH vont rapidement devoir gérer des demandes auxquelles ils ne pourront pas répondre.

 

Le fonctionnement du logiciel

Anticiper la mise en place du PAS, c’est aussi s’assurer du bon fonctionnement du logiciel de paie. Ce dernier doit impérativement être opérationnel et exempt de tout bug bien avant le 1er janvier 2019. L’entreprise est responsable des versements de l’impôt de ses salariés. Dans l’hypothèse d’un dysfonctionnement informatique qui aurait induit le versement des salaires sans déduction du PAS, l’entreprise, même si elle opérait une régulation, pourrait être condamnée à régler une amende. N’oublions pas qu’il s’agit de l’argent qui appartient aux salariés et non à l’entreprise. Ne pas le remettre au fisc pour leur compte, quelle qu’en soit la raison, engage la responsabilité de l’entreprise, y compris pénalement. L’enjeu est donc important et quelles que puissent être les assurances données par les éditeurs, il faut acter avec eux la mise en place de phases de tests qui permettront de valider le bon fonctionnement des systèmes et ce, au plus tard, avant la fin de l’été. Le respect de ce délai permettant, notamment si le déploiement s’opère sur plusieurs sites, de mettre en place des correctifs dont on pourra éprouver l’efficacité lors de la phase de préfiguration au cours de laquelle seront émis des « doubles » feuilles de paie (paies d’octobre, de novembre et de décembre 2018).

 

En mode projet

Vous le voyez, la mise en place du PAS n’est pas une opération anodine. Avant que l’on retrouve un régime de croisière, il faudra faire face à une surcharge de travail lors de la phase de transition et durant les premiers mois de 2019. Il faut donc, si ce n’est déjà fait, dès maintenant se mettre en mode projet. Cela suppose, naturellement, de désigner un responsable et de lui allouer une équipe dans laquelle prendront place des personnes des services RH et comptables, de la DSI et également de la direction juridique. Bien entendu, devront également être sollicités les experts-comptables de l’entreprise et les représentants des éditeurs de logiciels comptables. C’est à cette équipe que reviendra la mission de s’assurer qu’avant la fin du dernier trimestre 2018, les systèmes informatiques seront au point et les salariés informés du fonctionnement du PAS.