Quel schéma pour acquérir son immobilier d'entreprise via une SCI ?

Recourir au démembrement permet de profiter à la fois des avantages du régime de l’impôt sur le revenu et de celui de l’impôt sur les sociétés.

Acheter de l’immobilier professionnel par l’intermédiaire d’une société civile immobilière (SCI) pour le mettre à la disposition de son entreprise est une pratique répandue chez les dirigeants de PME. Outre offrir une certaine stabilité immobilière à l’entreprise, elle permet aux dirigeants de se constituer un patrimoine qui viendra compléter leur retraite. Mais une question se pose : quel régime fiscal adopter pour la SCI ? Doit-on rester à l’impôt sur le revenu (IR), favorable lors de la revente du bien immobilier ou opter pour l’impôt sur les sociétés (IS), moins douloureux pendant la période de remboursement de l’emprunt ? Un choix cornélien que Rolland Nino, Directeur général de BDO France, refuse de faire, préférant envisager un schéma qui permette de profiter des avantages des deux régimes fiscaux.

La SCI à l'IR

L’immeuble professionnel acheté par la SCI est loué à l’entreprise. Les loyers perçus sont affectés au remboursement de l’emprunt et au paiement des charges, ce qui fait qu’il ne reste pas ou peu de trésorerie. « Il arrive même, précise Rolland Nino, que les associés soient tenus d’apporter de l’argent à la SCI, car le remboursement de l’emprunt auquel s’ajoute le paiement de la taxe foncière et des différentes charges de propriété ne peuvent être couverts par les seuls loyers ». Toutefois, même s’ils ne touchent aucun dividende, la SCI étant à l’IR, les associés doivent payer des impôts sur les bénéfices au titre des revenus fonciers. Pour rappel, l’impôt sur les revenus fonciers est assis sur les loyers perçus, desquels sont déduits les intérêts d’emprunt, la taxe foncière, les frais de gestion et les dépenses d’entretien de l’immeuble. « En revanche, l’amortissement de l’immeuble n’est pas déductible. Apparaît donc un bénéfice qui est taxé au taux marginal appliqué à chaque associé auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 15,5 %. Si l’on prend l’hypothèse d’un taux marginal de 30 %, le dirigeant de société associé de la SCI devra ainsi payer 45,5 % d’impôt sur des bénéfices qu’il ne perçoit pas », rappelle Rolland Nino. Une situation peu confortable appelée à perdurer pendant toute la phase de remboursement de l’emprunt. Mais le régime de l’IR ne présente pas que des inconvénients. Lors de la cession du bien, il est même très avantageux. Les associés bénéficient, en effet, d’un abattement qui leur permet, au bout de 22 ans de détention, d’être totalement exonérés de l’impôt sur les plus-values et, après 30 ans, des prélèvements sociaux.

Opter pour l'IS

Par défaut, l’IR est le régime fiscal applicable à la SCI, mais il est possible d’opter pour l’IS. Dans cette dernière hypothèse, il devient possible de déduire les amortissements. « De fait, précise Rolland Nino, le bénéfice est plus faible, mais aussi moins fortement taxé, dans la mesure où le taux d’IS n’est que de 15 % pour les bénéfices en deçà de 38 120 € et de 28 % au-delà. Nous sommes bien loin des niveaux d’imposition à l’IR ». En revanche, à l’IS, la cession ne donne droit à aucun abattement pour durée de détention.

Une fois que l’associé a payé son IS sur les plus-values et son IR sur les dividendes, il ne lui reste qu’un tiers du prix de vente de l’immeuble », constate Rolland Nino.

La solution du démembrement

« Idéalement, il faudrait être à l’IS pendant la phase de remboursement et à l’IR lors de la cession. Or, l’option à l’IS étant irrévocable, aucun retour en arrière n’est permis. Toutefois, précise Rolland Nino, il est possible de recourir au démembrement ». Concrètement, quelque temps après l’achat de l’immeuble par la SCI, les associés cèdent à la société d’exploitation l’usufruit de leurs parts sociales pour une durée définie. Pendant le démembrement, il revient donc à la société d’exploitation de payer l’impôt sur les bénéfices dégagés par la SCI. Les associés de cette dernière, en tant que nus-propriétaires, échappent, quant à eux, à l’IR et aux prélèvements sociaux. Une fois le délai écoulé, la pleine propriété est reconstituée entre leurs mains. La SCI étant toujours à l’IR, ils peuvent profiter des abattements pour durée de détention. « Le gain fiscal de ce type d’opération représente ente 20 % et 40 % de la valeur de l’immeuble. S’il vaut 1 M€, par exemple, un tel montage, compte tenu de la rentabilité de l’immeuble, permet de réaliser entre 200 K€ et 400 K€ d’économie d’impôt », précise Rolland Nino.

Des précautions à prendre

Il est arrivé que ce montage soit considéré comme un abus de droit par le comité de l’abus de droit fiscal. « Mais attention, si certains contribuables ont été redressés, ce n’est pas parce qu’ils utilisaient ce montage, mais parce qu’ils l’utilisaient mal », tempère Rolland Nino. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un dirigeant décide d’opter pour un schéma lui permettant de s’accaparer l’ensemble de l’économie d’impôt. Une stratégie tentante, mais risquée, puisqu’elle conduit la société à ne tirer aucun profit de son opération d’acquisition de l’usufruit. « C’est ce que l’on appelle un acte anormal de gestion, précise Rolland Nino, ce qui nous amène vers l’abus de droit ». L’administration fiscale n’hésite pas non plus à retoquer les montages dans lesquels les sociétés sont des coquilles vides, sans vie propre (absence de comptes bancaires, de production de bilans, d’assemblées des associés…) et dépourvues de substance économique. Mais l’abus de droit n’est pas le seul risque à prendre en compte. L’efficacité de l’opération peut également être compromise en raison d’une rédaction inadaptée des statuts de la SCI ou de l’adoption « bête et méchante » de statuts types dénichés sur Internet. « En outre, il est prudent de veiller à ce que les associés de la SCI et de la société d’exploitation ne soient pas exactement les mêmes. Car si cette dernière venait à réaliser de mauvaises affaires, un liquidateur pourrait être tenté d’invoquer la confusion de patrimoines », prévient Rolland Nino. Une analyse économique et juridique doit donc être menée avant de mettre en œuvre ce montage.

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