RSE : comment transformer la CSRD en opportunité ?

Avec l’adoption de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) en 2023, l’Union européenne entend accroître la transparence des informations des entreprises en matière de durabilité et définir un standard européen harmonisé du reporting de durabilité des entreprises. La CSRD est une directive à la fois ambitieuse et contraignante (de nouveaux ratios à publier, nécessitant une importante masse de données à analyser mais des ressources - humaines ou financières - non nécessairement disponibles ou budgetées), dont les premiers impacts se feront sentir dès 2024-2025 pour les grandes entreprises, puis dans les années suivantes pour les PME et autres structures.

L’enjeu pour les entreprises est de s’inscrire dans une démarche de durabilité, ou “comment répondre aux besoins de maintenant, sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs” (rapport Brundtland rédigé en 1987).

Répondre aux nouvelles exigences de la CSRD demande de mettre en œuvre une démarche transverse au sein de l’entreprise, impliquant l’ensemble des fonctions et induisant une conduite du changement importante. La CSRD raisonne sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise ; elle induit de solliciter ses parties prenantes et a dès à présent des effets auprès des acteurs du système financier.  Il est nécessaire d’anticiper dès maintenant cette nouvelle directive afin de transformer cette réglementation en une réelle opportunité pour l’entreprise.


Pourquoi la CSRD est-elle clé pour les entreprises ? Quelles sont les évolutions attendues avec cette directive ? Quelle démarche mettre en œuvre afin de répondre aux nouvelles exigences de la CSRD ?

Emilie Thevenet, associée, et Mégane Letainturier, Project manager, détaillent le contexte et les enjeux autour de cette directive.

Pourquoi la CSRD est-elle clé pour les entreprises ?

La CSRD s’inscrit dans le pacte vert pour l’Europe, cet ensemble de mesures visant à engager l’Union européenne (UE) sur la voie de la transition écologique et, plus particulièrement, à devenir le premier continent neutre pour le climat à l’horizon 2050, ainsi qu’à réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55% d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Ce pacte est mis en œuvre avec les politiques de l’UE en matière de climat, énergie, transport et fiscalité adoptées par la Commission européenne.

Plus précisément, la CSRD fait partie des 4 textes principaux adoptés par l’UE afin d’harmoniser le cadre législatif de la finance durable au sein de l’UE : CSDD, CSRD, SFDR et taxonomie.

Quelles sont les évolutions attendues avec la CSRD ?

Jusqu’à maintenant, les entreprises suivaient la NFRD (Non Financial Reporting Directive) pour réaliser leur reporting extra-financier. Le passage de la NFRD à la CSRD renforce le cadre réglementaire autour du reporting de durabilité, notamment, sur 4 aspects :

  • Le nombre d’entreprises visées par ce reporting est élargi : près de 50 000 entreprises en Europe sont concernées par la CSRD contre environ 10 000 pour la NFRD
  • Il ambitionne de propulser les informations de durabilité au même niveau que les informations financières. La terminologie « non-financier » (le Non Financial) de NFRD, est abandonnée.
  • Il repose sur le principe de double matérialité qui oblige les entreprises à communiquer à la fois sur les incidences de leurs activités sur les enjeux de développement durable (impact entreprise à société) et sur la manière dont ces enjeux influent sur l’entreprise, sa performance, son développement et son positionnement (impact société à entreprise) (cf. déclaration de la Commission européenne) ;
  • Il sera validé par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant, qui accordera un niveau d’assurance pouvant être « limitée » dans les premiers temps, puis « raisonnable » à partir de 2028.

La CSRD prévoit que les entreprises adaptent leur reporting de durabilité afin de se conformer à des normes européennes standardisées, dont notamment les 12 ESRS (European Sustainability Reporting Standards) proposées par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) et adoptées en juillet 2023 par la Commission européenne. Les ESRS sont composées de 2 normes transverses, 5 normes concernant l’environnement, 4 concernant le social et 1 concernant la gouvernance (cf. illustration ci-dessous).

À noter que seule l’ESRS 2 est à ce jour obligatoire pour toutes les entreprises concernées par la CSRD, les autres sont soumises à analyse de double matérialité. Des normes sectorielles et des normes spécifiques aux entreprises pourront également être déployées afin d’accroître la pertinence et comparabilité des entreprises (c’est par exemple déjà le cas pour la filière Construction avec la RE2020).

L’UE a défini un calendrier de mise en application ambitieux (cf. ci-dessous) : les PME cotées sur un marché réglementé européen devront publier leur premier reporting de durabilité dès 2027 sur données 2026.


Quelle démarche mettre en œuvre afin de répondre aux nouvelles exigences de la CSRD ?

Nos conseils concernant les différentes actions à mettre en œuvre au sein de votre entreprise afin de répondre à ces nouvelles exigences règlementaires :

  • Avant de rentrer dans le détail des normes ESRS, il est crucial de comprendre les enjeux des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) pour une entreprise, ainsi que le principe de double matérialité (cf. impact entreprise à société et impact société à entreprise) et d’y sensibiliser et acculturer votre management (notamment les fonctions finance, RH et data qui s’avèreront être des alliés nécessaires dans cette démarche, mais également les COMEX qui seront les initiateurs de l’impulsion) ;
  • Se renseigner sur les obligations auxquelles votre entreprise sera soumise et leur date d’entrée en vigueur (calendrier de mise en application et compréhension des normes ESRS) ;
  • S’organiser en interne pour avoir une équipe identifiée prête à travailler en mode projet, qui pourra par exemple être composée d’un sponsor membre du COMEX, d’un leader ESG ou éventuellement le directeur financier lui-même et de relais fonctionnels issus des équipes opérationnelles (RH, finance, achats, juridique, opérations, risques & compliance, communication, affaires publiques...) ;
  • Réaliser une cartographiede :
    • La chaîne de valeur de votre entreprise ;
    • Vos parties prenantes et
    • Vos impacts (positifs ou négatifs) ainsi que vos risques et opportunités, à la fois physiques (i.e. directement causés par les phénomènes climatiques) et de transition (i.e. directement liés à la transition vers l’économie bas carbone visée par cette nouvelle réglementation),
  • Lancer un état des lieux des actions que vous avez déjà mises en œuvre et réaliser à la fois une analyse de double matérialité (priorisation des risques, opportunités et impacts) et une analyse d’écarts par rapport aux attendus règlementaires. Prioriser vos enjeux ou thématiques prioritaires pour gagner en efficacité lors de la mise en œuvre ; 

Pour réaliser votre analyse de double matérialité, l’EFRAG a mis à disposition un guide afin d’éclairer les entreprises : Implementation Guidance for the materiality assessment

  • Etablir la feuille de route réaliste qui vous permettra de préparer la mise en œuvre de ces nouvelles obligations de reporting, en cohérence avec votre organisation et la maturité de vos outils, processus et équipes en matière de durabilité. Il vous faudra de fait traiter des sujets suivants : 
    • La définition de KPIs vous permettant de piloter la progression de vos actions une fois celles-ci lancées et l’étude de faisabilité réalisée en interne ou en externe (outils permettant de collecter et agréger les données nécessaires et/ou de créer ces KPIs une fois définis) ;
    • Travailler les données : leur source, leur fiabilité, leur méthode de collecte ;
    • L’adaptation de vos outils pour la constitution, collecte et fiabilisation des données nécessaires pour le reporting : certaines données existent déjà dans vos systèmes mais ne sont ni exploitées ni fiabilisées, d'autres existent mais ne se suffisent pas à elles-mêmes et devront être complétées, d'autres encore seront totalement à créer ;
    • L’éventuelle mise en place d’une fonction de contrôle de gestion / contrôle interne durabilité pour répondre aux exigences croissantes des commissaires aux comptes ou organismes tiers indépendants qui auront la charge de valider l’alignement de votre démarche avec la CSRD ;
  • Mettre en œuvre cette feuille de route : cette transformation devra impliquer et embarquer l’ensemble de vos équipes et parties prenantes. 

  • Profitez de la CSRD pour reposer votre modèle d’affaires et le challenger : vous transformez ces nouvelles contraintes règlementaires en opportunités business ;
  • Concentrez-vous sur ce qui est important (impact et/ou risques & opportunités élevés) ;
  • Communiquez régulièrement et sensibilisez vos équipes à tous les niveaux de l’entreprise pour les embarquer (management et équipes opérationnelles) ;
  • Travaillez conjointement avec toutes vos parties prenantes ; 
  • Anticipez !

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